Feuilles de Lotus

Par

Tarek Heggy


 

12 février 2011

Remerciements et gratitude envers Gamal Moubarak

Hosni Moubarak a gouverné l'Egypte pendant 30 ans. Durant la première moitié de cette période, le cadet de Hosni Moubarak (Gamal) ne participait pas avec son père à la gouvernance d'Egypte. Mais durant la seconde moitié, Gamal laissa à son père les affaires extérieures et quelques unes des questions intérieures. Quant à l'administration de la vie politique intérieure et de la vie économique de l'Egypte, elles étaient entre les mains de ce fils psychopathe extrêmement dangereux et belliqueux que j'ai eu l'occasion de connaître. Et j'affirme que nous étions ennemis au vrai sens du mot. Gamal Moubarak a monopolisé le leadership du Parti National avec l'aide d'un groupe des pires personnalités égyptiennes telles que Safwat el-Chérif, Aly el-Din Helal et Moufid Chéhab, et avec les membres de l'horrible oligarchie constituée de l'alliance du pouvoir avec la fortune (dont les symboles les plus célèbres sont Ahmed Ezz et d'autres hommes d'affaire des plus opportunistes et arrivistes, manquant incroyablement de nationalisme et de formation éthique, sans parler d'une tendance innée extraordinaire à corrompre et être corrompu). La crise de ma relation avec « ce garçon » qui fut une malédiction pour son père commença après que j'aie passé cent jours comme président de la Bibliothèque d'Héliopolis (en 1997), jours qui se terminèrent par une démission présentée à la présidente de l'association dont dépend cette bibliothèque, donc l'épouse du président d'Egypte (mère de « la malédiction-de-garçon »). La démission vint suite à la tentative d'intervention (de la part de l'épouse du président) dans ma manière de gérer l'activité culturelle de la bibliothèque. Ce jour-là je lui envoyai ce que j'ai écrit de plus ferme. Mes témoins sont l'Ambassadeur Salah Dessouki, l'un des amis les plus proches de Gamal Abdel Nasser, et Docteur Mourad Wahba pour qui eut lieu mon désaccord avec l'épouse du président.

J'avais invité Docteur Wahba en tant que l'un des égyptiens les plus informés sur la philosophie de l'éducation moderne, mais l'épouse de

(l'ancien) président insista que cet érudit ne confère pas à la Bibliothèque d'Héliopolis. L'auteur de ces lignes démissionna donc de la présidence de la bibliothèque, car il avait mis comme condition en acceptant cette présidence que personne n'intervienne dans son travail.

Après avoir démissionné de la présidence de la bibliothèque, je rencontrai « la malédiction-de-garçon » ; je vis dans ses yeux tous les préambules de l'animosité, ce qui me réjouit, car le contraire aurait été une insulte pour moi ! Quelques années plus tard, je le rencontrai encore une fois lors d'un dîner chez un ami commun, et il me demanda ce que je pensais de l'exportation du gaz naturel à l'Espagne et à Israël. Ma réponse fut que les deux ententes d'exportation de gaz dont il parlait étaient le pire imaginable (économiquement), puisque dans les deux cas l'Egypte recevait comme prix réel pour chaque million de calories de gaz naturel vendu, moins que le quart du prix qu'elle aurait pu recevoir, si cela n'avait été pour des raisons non économiques ! Il comprit de mes mots que ce que je voulais dire était que la catastrophe (dans les deux cas) était « l'intermédiaire » qui faisait et continue de faire un profit plus grand que celui du vendeur (l'Egypte). Cet intermédiaire (dans les deux cas) était Hussein Salem qui, comme tout le monde le sait, remplaçait (dans ces transactions comme dans d'autres) « le grand monsieur » !!! … Un jour, je reçus la visite de quelqu'un (qui est aujourd'hui le président directeur général de l'établissement de presse Al Ahram) me disant que « la malédiction-de-garçon » était furieux contre moi et m'accusait d'être vindicatif envers lui (!!!), et qu'il craignait pour moi de la colère de « la malédiction-de-garçon ». Ma réponse fut très sarcastique, et je ne peux la reproduire ici puisque toutes ces locutions tombent sous la réserve du code pénal. !! … Hosni Moubarak a donc gouverné de ses propres capacités la moitié du temps de sa gouvernance, capacités fort modestes et totalement dépourvues de culture et du sens historique (lorsqu'il visita le journal Al Ahram, il ne reconnut pas l'un des hommes et demanda dans un langage égyptien « qui est ce gars ?! » son hôte lui répondit : « c'est le docteur Louis Awad » !!!) Mais malgré cela, Hosni Moubarak (avec ses horizons extrêmement restreints et ses capacités limitées) n'aurait pas causé une « révolution » comme celle qui fut déclenchée le 25 janvier … et je pense que la majorité des enfants d'Egypte voudront tout comme moi remercier « la malédiction-de-garçon » ! Nous lui dirons : mille mercis, Gamal ! Sans tes ambitions folles et ton désir de présider l'Egypte (imagine !!) … malgré la limite de tes capacités …, sans ta servitude à deux maîtres (puisque tu voulais à la fois « tout le pouvoir » et « toutes les fortunes »), sans ton avidité, personne ne se serait révolté, et nous aurions été fidèles à nos torts ; tu as été la raison majeure que nous nous en débarrassions, et que nous nous écartions de la négativité absolue vers la positivité absolue… Mille, mille mercis, donc !! Et si tu ne t'étais pas associé à tous les hommes d'affaire pour accumuler une fortune que nul roi ou prince arabe ne possède (malgré la pauvreté de la majorité des enfants de ton pays), et si tu ne t'étais pas transformé en un tenant qui donne et qui retient, nous n'aurions pas arraché la peau du silence ni brisé la muraille de la peur… et si tu n'avais pas (toi-même et avec l'aide de deux qui rivalisent avec toi pour obtenir la plus grande part de la haine et du dédain des égyptiens) contrefait les élections du parlement en 2010, et si tu n'avais pas atteint l'indécence (ainsi que la stupidité et la gaucherie) de faire gagner aux hommes de ton parti 98% des sièges de l'Assemblée du Peuple, sans de telles idioties les jeunes d'Egypte n'auraient pas fait cette révolution – la plus merveilleuse au monde depuis la révolution bolchévique il y a un petit peu moins d'un siècle

(1917) … Alors, mille, mille mercis ! Sans ton rôle, les égyptiens auraient continué leur négativité et l'acceptation de leur sort, considérant ton père comme étant leur destin ! Sans toi, ton père aurait vécu comme président « jusqu'au dernier souffle », comme il nous l'a dit il y a quelques mois ! Mais l'idée de la justice absolue en laquelle croyait le plus grand philosophe allemand a voulu que tu ne meures pas président ! et que la dernière mélodie de ta vie soit « plus que triste »… mélodie composée et jouée par « la malédiction-de-fils », à qui je réitère mes remerciements, les remerciements de l'Egypte, et les remerciements de tous les amants de la liberté ! Mille, mille mercis, petit !